Dessin publié avec l’aimable autorisation de Plantu - Le Monde du 3 juin 2014 - @plantu Tous droits réservés

 

 

A lire ci-dessous dans l'ordre de publication le plus récent:

 

  • Régionales 2015 : le point sur les sondages nationaux et calcul des tendances (mise à jour 5/12/2015)
  • Une comparaison entre la prévision politico-économique ElectionScope et la moyenne des sondages avant et après le 13 novembre (3/12/2015) 
  • Prévision politico-économique des régionales des 6 et 13 décembre) (1/12/2015)
  • Méthodologie du modèle politico-économique des Régionales 2015 (1/12/2015)
  • Régions : qui sont les gagnants et les perdants du découpage (étude pour BFM Business) (27 novembre 2015)
  • Qualité de  gestion des finances publiques régionales:une analyse en termes de ranking (27/11/2013)
  • Economie réelle et qualité de la gestion des finances publiques régionales. Quel benchmark des régions avant et après le redécoupage territorial? (27/11/2015)
  • Popularité, ralliement au drapeau et asymétrie du blâme. Le 13 novembre va-t-il changer la donne des régionales? (25/11/2015)
  • Pourquoi les régionales sont-elles un scrutin régional "nationalisé"? (9/11/2015)
  • Régionales 2015 : quelques éléments de contextes avant les srutins des 6 et 13 décembre 2015 (9/11/2015)

 

Régionales 2015 : le point sur les sondages nationaux et calcul des tendances

 

5 décembre 2015

 

 

Régionales des 6 et 13 décembre 2015:

 

Une comparaison entre la prévision politico-économique ElectionScope et la moyenne des sondages (avant et après le 13 novembre)

 

Véronique Jérôme

Bruno Jérôme

 

3 décembre 2015

Remarques : (1) les scores des divers et inclassables ne sont pas reportés dans les tableaux. (2) Les scores prévus pour les listes autonomistes corses sont respectivement de 22% et 26% au premier et second tour.<<

Prévision politico-économique des régionales des 6 et 13 décembre 2015

 

Véronique Jérôme

Bruno Jérôme

 

1er décembre 2015

 

Principaux constats de la prévision politico-économique ElectionScope pour les régionales de 2015

 

Après avoir fait tourner le modèle pour retenir les meilleurs modèles explicatifs du vote pour les différents blocs politiques sur la période 1986-2010, on applique les coefficients estimés aux observations récentes afin de prévoir les régionales 2015.

 

Voir la méthodologie du modèle en suivant ce lien.

 

Premier tour

 

Il ressort de notre simulation que LR (+ divers droite) et « les centres » pourraient arriver en tête au premier tour dans 8 grandes régions : Alsace Champagne Ardenne, Bourgogne Franche Comté, Centre Val de Loire, Normandie, Ile de France, Pays de la Loire, PACA, et Rhône Alpes Auvergne.

La gauche (lato sensu) arriverait en tête dans trois régions : Bretagne, Midi-Pyrénées-Languedoc Roussillon et Corse. A noter un « match nul » en Aquitaine au premier tour.

Le FN arriverait en tête dans 1 seule région : Nord-Picardie.

 

 

Second tour

 

Au second tour, le rapport de force reste inchangé. 8 régions à la droite et au centre, 4 à gauche et une au FN.

Cependant, comme le montrent nos simulations, la droite devra batailler jusqu’au bout pour l’emporter en Ile de France et en Pays de la Loire[1].

Même cas de figure à gauche en Aquitaine-Poitou-Limousin où la compétition sera serrée au second tour.

A noter que contrairement aux sondages, le modèle politico-économique donne Christian Estrosi vainqueur au second tour malgré un score très élevé de Marion Maréchal Le Pen.

Enfin, en Nord Pas de Calais Picardie, Marine le Pen devrait l’emporter mais devra compter avec la résistance de Xavier Bertrand.

 

Commentaires et analyse

 

D’après nos simulations par grandes régions, la gauche risque d’être minoritaire en voix au  premier tour dans l’ensemble des 13 régions. Pourtant, elle peut potentiellement l’emporter dans au moins 4 d’entre elles à l’issue des deux tours.

 

Effets combinés du mode de scrutin et de la poussée du FN

 

Nous voyons là les effets combinés du nouveau découpage régional et du mode de scrutin mais aussi de la nouvelle poussée du Front National.

En effet, le seuil de 10% des exprimés assurera le maintien au second tour du FN dans 12 régions sur 13 (la Corse faisant exception). Ceci a pour effet mécanique de « geler » une partie non négligeable de l’électorat de droite voulant exprimer un vote plus sécuritaire qu’économique après le 13 novembre. Par comparaison, lors des départementales, avec le scrutin majoritaire à deux tours, le FN n’a pu se maintenir que dans 55% des départements en mars  2015.

 

L’effet du redécoupage électoral

 

Par ailleurs, le découpage des nouvelles régions, obéit plus à une logique électoraliste qu’à une logique géoéconomique. Il a pour effet de renforcer certains bastions électoraux, notamment à gauche, s’agissant de Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon ou d’Aquitaine-Poitou-Limousin.

De même, en laissant la Bretagne indépendante de Pays de la Loire, bastion historique de la droite, son maintien à gauche est quasiment assuré pour Jean-Yves Le Drian.

Mais le nouveau découpage permet aussi à la droite classique de se constituer un bastion électoral quasiment imprenable en région Alsace-Lorraine-Champagne Ardenne. Enfin, quant à  la région Nord-Pas de Calais-Picardie, le mode de scrutin pourrait aboutir à l’offrir « sur un plateau » à un FN déjà bien implanté dans deux de ses principaux fiefs régionaux.

 

La droite vainqueur « aux points » mais pas par K.O.

 

Au soir des 6 et 13 décembre prochain, le FN risque fort d’être le grand vainqueur psychologique des régionales en enlevant la région Nord Pas de Calais-Picardie. Christian Estrosi, à qui notre simulation accorde plus de trois points d’avance sur le FN au second tour, devra par ailleurs se battre jusqu’au bout pour l’emporter sur Marion Maréchal Le Pen.

La droite devrait obtenir la majorité des régions mais ne réalisera pas le grand chelem comme la gauche en 2010. De son côté, la gauche va certainement réussir à minimiser les pertes tout en étant minoritaire en voix. Restent quelques inconnues de taille :

  • La stratégie de la gauche arrivée en troisième position face à un FN en passe de l’emporter au second tour,
  • Le comportement des électeurs de gauche si le PS refuse de se retirer en cas de menace FN,
  • Et enfin, le « taux d’évaporation » de l’électorat FN entre les deux tours dont on sait qu’aujourd’hui, près de 40% d’entre eux proviennent quasiment à part égale de la gauche et de la droite classique.

 

Et toujours l’économie…

 

Enfin, on aurait tort de l’oublier, en dépit des évènements catastrophiques et douloureux que la France a connu, c’est une fois de plus l’économie qui pèsera dans le prochain scrutin. Elle sera le juge de paix des performances de l’exécutif et de ses représentants régionaux. Les dernières statistiques des demandeurs d’emploi auront nécessairement un impact décisif en bout de course.

 

[1] Le modèle pondère fortement la poussée de la gauche en 2004 et 2010 dans ce territoire historiquement à droite.

Remarque et précautions d’usage pour interpréter la prévision:

 

Les résultats des simulations doivent être lus compte tenu des hypothèses du modèle. Elles sont donc conditionnelles. De même, on doit considérer que les électeurs se comportent en moyenne comme ils l’ont fait dans le passé.

 

Enfin, les prévisions sont issues d’une méthode probabiliste, donc tenant compte d’une marge d’erreur statistique. Premier tour : +/- 3 points pour le bloc droite + « centres », +/-1,7 point pour le FN. Second tour : +/- 2.2 points pour le bloc droite + « centres » et le bloc de gauche, +/-1.5 pour le FN.

Même si c’est préférable pour tout prévisionniste, le modèle peut ne pas générer nécessairement le « vrai » résultat tel qu’il sera exprimé par les électeurs le jour de l’élection.

 

Le modèle ambitionne cependant d’envoyer un signal en indiquant ce qui pourrait advenir en décembre 2015 – compte tenu d’un contexte donné reposant sur des hypothèses économiques et politiques objectives- .

 

Son but est de réduire l’incertitude qui est toujours l’un des obstacles majeurs à la prise de décision, et cela c’est déjà un progrès…

 

Méthodologie du modèle politico-économique des régionales 2015

 

Véronique Jérôme

Bruno Jérôme

 

1er décembre 2015

Le modèle politico-économique des régionales jusqu’en 2010

 

Jusqu’à présent, c’est sur le principe « sanction-récompense» des exécutifs sortants (Jérôme, Jérôme-Speziari, 2000, 2005), autrement dit sur le concept de responsabilité gouvernementale que reposaient nos modèles explicatifs du vote aux régionales.

Les principales variables explicatives du vote pour les sortants étaient

  • la variation du taux de chômage régional,
  • les élections législatives passées, le poids du FN dans le bloc de droite,
  • les zones de force régionales des partis politiques,
  • la popularité de l’exécutif national (en termes de retombées sur les exécutifs locaux)
  • notre indicateur de qualité des finances régionales.

 

Le modèle se dote en outre dès le départ d’une fonction de vote du Front National et d’une  fonction de transfert des votes entre le premier et le second tour à l’occasion des élections de 2004.

Utilisé pour à des fins prédictives, le modèle échoue pour prévoir la victoire de la gauche en 2004. En revanche le modèle s’avère relativement performant pour prévoir la résistance de la droite en 1998 et très efficace pour anticiper le raz de marée de la gauche en 2010.

 

Pour 2015, un nouveau modèle des élections régionales centré sur l’opposition

 

Notre expérience de la modélisation et de la prévision des cantonales puis des départementales de 2015 (voir sites de BFM et d’ElectionScope) nous ont conduits à revoir la spécification du modèle politico-économique des régionales.

 

En effet, les élections locales de mi-mandat entraînent presque toujours le succès de l’opposition sous forme d’un vote « sanction ».  La majorité au pouvoir peut de surcroit subir souvent le phénomène d’ « asymétrie du blâme ». Autrement dit, les électeurs ont tendance peu récompenser les bons résultats (s’ils existent) et à sanctionner très fortement les mauvaises performances. L’opposition est par conséquent avantagée. Enfin, à ceci s’ajoute le fait que les régionales françaises sont des élections locales « nationalisées ».

 

En corolaire,  ce sont les exécutifs régionaux proches du gouvernement qui encourent la sanction des urnes, et ce, en dépit parfois de leur bonne gestion locale ou d’une forte implantation partisane régionale.

 

Dans la version 2015, nous avons décidé de modéliser le vote régional en prenant pour variable expliquée le vote allant à l’opposition dans chaque région. Et par défaut on obtient le vote pour la majorité et les partis alliés (ou non) idéologiquement proches.

Par ailleurs, notre modèle doit mieux prendre en compte la montée du FN qui s’est effectuée par pallier depuis 1986.

 

Une montée du FN par paliers

 

Entre 1986 et 2004, le FN gagne 6,5 points pour atteindre 16% des voix, incontestablement gagnées sur la droite classique. En 2010, c’est le reflux autour de 12,5% après la « ponction » opérée par Nicolas Sarkozy à la présidentielle 2007. Cependant, depuis l’élection de Marine le Pen (16 janvier 2011), le FN a réalisé 17,9% des voix à la présidentielle de 2012, 24.9% aux européennes de 2014, puis 25,4% au premier tour des départementales. Cette fois-ci, ce gain de 7,5 points par rapport à la présidentielle de 2012 s’est effectué au détriment de la gauche.

 

Ainsi, pour mieux intégrer cette mutation du rapport de force politique, nous avons sélectionné le score réalisé lors la dernière élection de préférence précédant des régionales comme variable retardée, tant pour l’opposition que pour le FN.

 

Enfin, depuis 2004, le vote aux régionales s’effectue en deux tours.

Ici encore, la bonne estimation du FN au premier tour est capitale pour envisager les cas de triangulaire.

 

Mais ce n’est pas tout. Pendant longtemps, on a pu observer que le FN perdait des suffrages entre les deux tours, certains électeurs « rentrant dans les rangs » au second tour après avoir protesté au premier tour.

 

Les transferts de voix des électeurs FN du premier au second tour

 

Aux régionales de 2004, le FN perd des voix partout d’un tour à l’autre sauf en Aquitaine, Midi Pyrénées et Nord Pas de Calais. Mais en 2010, le FN progresse dans 8 régions entre les deux tours (Bourgogne, Champagne Ardenne, Languedoc-Roussillon, Lorraine, Nord Pas de Calais, Hte Normandie, Picardie et Rhône Alpes) et régresse légèrement dans quatre autres (Alsace, Centre, Franche Comté et PACA). Enfin, aux départementales de 2015, et en dépit d’un taux de qualification de 55,4% de ses candidats au second tour, le FN progresse en suffrages exprimés dans 8 régions (Alsace, Champagne Ardenne, Languedoc-Roussillon, Lorraine, Nord Pas de Calais, Hte Normandie, Picardie et PACA). En un mot, dans ses zones de force électorales.

 

Nous avons tenté de prendre en compte le taux d’évaporation des suffrages FN entre les deux tours dans le cadre de la modélisation puis pour prévoir.

 

Pour terminer, nous avons du nous adapter au nouveau découpage régional. Pour ce faire, nous avons estimé le vote de l’opposition (droite classique ou gauche) et du FN dans les 22 régions. Puis prenant en compte le poids électoral de chaque région, nous avons estimé ce que donnerait in fine le score des grands blocs « droite classique », gauche et FN au premier et au deuxième tour des régionales 2015.

 

Méthodologie et présentation de l’algorithme

 

Le modèle économétrique servant de base aux simulations qui vont suivre a été construit en données régionales sur la période 1986-2010. Soit 130 observations pour chacune des 36 principales variables du modèle (plus de 4600 données exploitées). En tout, le modèle comporte 6 équations.

  1. Fonction de vote pour l’opposition (hors FN) au premier tour : expliqué par la variation sur un an du taux de chômage sur un an, le score obtenu lors de la dernière élection de référence[1] et les zones de forces partisanes.
  2. Fonction de vote pour le FN au premier tour : expliqué par la variation sur un an du taux de chômage, le score obtenu lors de la dernière élection de référence, et la localisation des régionales dans le cycle des échéances nationales.
  3. Fonction de vote pour les autonomistes et inclassables au premier tour : expliqué par la l’absence ou la présence d’autonomistes et autres inclassables, le score obtenu lors de la dernière élection de référence, et diverses variables indicatrices régionales.
  4. Le vote pour la majorité (+ alliés) est déterminée par défaut
  5. Fonction de vote pour la droite et « les centres » au second tour : expliqué par le vote au premier tour, la réalisation ou non de l’union dès le premier tour, l’existence d’une triangulaire avec le FN, l’existence d’une quadrangulaire, et diverses variables indicatrices.
  6. Fonction de vote pour la gauche au second tour : expliqué par le vote au premier tour, la réalisation ou non de l’union dès le premier tour, l’existence d’une triangulaire avec le FN, l’existence d’une triangulaire avec le PCF, l’existence d’une triangulaire avec les verts et diverses variables indicatrices.
  7. Fonction de vote pour le FN au second tour : expliqué par le vote au premier tour, la présence ou non au second tour, l’existence d’une dissidence d’extrême droite, les fiefs régionaux du FN, les régions où le FN progresse en moyenne d’un tour à l’autre.

 

[1] Européennes de 1984, 1989, 2009 et 2014. Législatives de 1997 et 2002.

 

Régions : qui sont les gagnants et les perdants du découpage ?

 

 

 

Carte interactive, commentaires et analyse de notre étude par Olivier Laffargue et Julien Marion

 

http://bfmbusiness.bfmtv.com/observatoire/regions-qui-sont-les-gagnants-et-les-perdants-du-redecoupage-933156.html

 

Qualité de gestion des finances publiques régionales : une analyse en termes de Ranking

 

Véronique Jérôme

Bruno Jérôme

 

27  novembre 2015

 

Méthode et objectifs

 

 

Pour près de trois quart des régions (16 sur 22 en métropole, ici  21 car hors Corse), le maillage territorial a été modifié sous l’effet d’un redécoupage initié par un exécutif national qui a eu beaucoup de mal à justifier les nouvelles frontières qu’il a lui-même tracées sans sembler se soucier des divers projets existants.

C’est pourquoi il paraît légitime de chercher à savoir si et comment ce redécoupage peut agir sur les forces et faiblesses des régions mesurées via  deux grands indicateurs : le taux de chômage en région (au sens du taux de chômage national affecté des caractéristiques locales) comme témoin de l’état de santé de l’économie réelle et la qualité de gestion des finances publiques régionales fondée sur 5 critères (voir ce lien):

  1. L’impôt par tête (en euros par habitant)
  2. La capacité de désendettement (encours de la dette sur épargne brute)
  3. L’effort de décentralisation (en euros par habitant)
  4. Train de vie de la région (en euros par habitant)
  5. L’effort d’investissement (en euros par habitant)

 

Cliquer sur ce lien pour l'étude du ranking des finances des régions

 

Nous avons choisi l'année préélectorale 2014. Cette année 2014 appartient à une période où le pays peine à sortir de la crise, avec un taux de chômage qui vient s’ajouter aux contraintes budgétaires et à la limitation des marges de manœuvre des exécutifs tant nationaux que locaux.

 

L’objectif est de produire un benchmaking en classant les forces et faiblesses des régions. Nous cherchons ainsi, par simulation, à savoir quels pourraient être les gagnants et les perdants du redécoupage régional, voire quelles juridictions seraient potentiellement en situation de statu quo..

Des  régions affichent une certaine stabilité quant à leur position dans le classement car leurs frontières sont restées elles-mêmes stables. Parfois, cette stabilité relève d’un regroupement efficace au sein d’un nouvel ensemble ce qui serait le fruit d’une « fusion entre égaux ».

Mais il y a aussi des victimes du redécoupage et des bénéficiaires. On peut considérer ces derniers comme des opportunistes qui ressortent avec un meilleur classement. Ceux-ci constituent ce que l’Economie publique qualifie de  free riders (passagers clandestins).  

 

Le lien entre performance financière et performance économique réelle des régions mesurée par le taux de chômage

Ranking comparé de la performance financière et du taux de chômage pour 2015

 

On opère un premier regroupement faisant état de la nature du classement des régions sur les deux critères (U, F) avant/après le redécoupage afin de souligner la stabilité de certaines régions et de préciser la nature des mouvements de régions qui sont soit victimes soit bénéficiaires (free riders).

Avec :

U : taux de Chômage

F : performance financière (synthèse de 5 ratios)

 

Critères du classement croisé des régions

U-, F+ : mauvais élève côté chômage, Bon élève côté finances

U+, F+ : bon élève côté chômage, Bon élève côté finances

U-, F- : mauvais élève côté chômage, mauvais élève côté finances

U+, F- : bon élève côté chômage, mauvais élève côté finances

 

 

Un premier constat : la modification des « frontières » régionales n’a pas impacté le classement de 13 des 22 anciennes régions.

 

Soit 5 régions aux contours inchangées, à savoir :

 

Puis 2 régions qui ont conservé leur classement pour une « fusion entre égaux » :

 

Enfin 6 régions ont conservé leur classement dans leur nouvelle délimitation à savoir :

 

Les « free riders » 

 

3 régions se retrouvent en situation de free rider en  « bénéficiant » du nouveau découpage, à savoir 

 

Les « victimes »

 

5 régions se retrouvent en situation de victimes du nouveau découpage

On obtient 4 groupes donnant le classement des nouvelles régions selon le critère performance économique réelle - performance financière (U+ F+, U-F-, U+F-, U-F+) et en prenant pour point de départ le classement obtenu en termes « d’anciennes régions ». Nous pouvons ainsi voir quels sont les régions gagnantes et les perdantes du redécoupage.

 

Synthèse 2015

NB : la situation de départ (à 22 régions) figure entre parenthèses.

 

Exemple : La basse Normandie était (U+, F+) à 22 régions et est désormais (U-, F+) à 13 régions en étant fusionnée avec Haute Normandie. Elle est donc « victime » du redécoupage, surtout sur le plan du taux de chômage.

Economie réelle et qualité de la gestion des finances publiques régionales

Quel Benchmark des régions avant et après le redécoupage territorial?

 

Véronique Jérôme

Bruno Jérôme

 

 27 novembre 2015

 

 

1 - Méthodologie

 

Notre analyse de la qualité de gestion des finances publiques des régions françaises a été conduite pour la première fois à l’occasion des élections régionales de 1998. Nous avons réitéré l’expérience en 2004 puis en 2010 pour l’Expansion ( Ce lien). La collection de données qui en découle nous a permis de retracer le ranking de la qualité de gestion des régions de 1987 à 2014.  Nous insistons ici tout particulièrement sur les années préélectorales. Les ratios financiers qui permettent d’établir ce classement ont été parfois reconstitués pour les années 1987 à 1992 en utilisant les comptes administratifs des régions ou bien les budgets primitifs lorsque le décalage temporel ne permet pas de travailler sur des données de comptes administratifs au plus près de l’élection.

Les 5 ratios que nous utilisons sont tous représentatifs de l’action budgétaire et de l’évolution des compétences des régions. Dans chacun des cinq domaines qu’ils couvrent nous avons établi un classement des régions de 1 à 21 (la Corse étant écartée de l’analyse). Nous avons enfin établi le classement des classements pour obtenir un indice de ranking unique (en donnant un poids identique à chaque ratio). Ce travail a été effectué pour 1987 (année post-électorale des premières régionales) puis pour les années pré-électorales 1991, 1997, 2003, 2010 et 2014.

 

Les 5 ratios composant le ranking général sont :

  1. L’impôt par tête (en euros par habitant)

Fiscalité directe locale + produits des cartes grises, permis de conduire + TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques)

 

Plus l’impôt par tête est modéré par rapport aux autres régions et plus on est bien classé. Cet indice traduit autant l’attractivité fiscale (minimisation du risque de vote avec les pieds) que la stratégie financière des collectivités, qui selon le principe d’ »équivalence ricardienne » doivent arbitrer entre taxer aujourd’hui ou s’endetter et reporter l’impôt sur les générations futures.

 

  1. La capacité de désendettement (encours de la dette sur épargne brute)

Le niveau d’endettement d’une collectivité locale se mesure à partir de la capacité de désendettement. Ce ratio rapporte l’épargne brute au stock de dette et permet d’identifier en nombre d’années d’épargne brute l’endettement de la collectivité locale.

On calcule ainsi en combien d'années une collectivité peut théoriquement rembourser la totalité du capital de sa dette en supposant qu'elle y consacre tout son autofinancement brut.

Plus la dure de remboursement est courte et plus une région est correctement classée. Un remboursement court permet de mobiliser les ressources futures pour des dépenses utiles et efficaces et non au remboursement de la dette.

 

  1. L’effort de décentralisation (en euros par habitant)

Il s’agit de la part du budget régional consacrée aux Lycées, à la formation professionnelle et aux transports ferroviaires.

Plus ce ratio par tête est élevé et plus la région est mieux classée par rapport aux autres. On considérera alors qu’elle joue le jeu de la décentralisation des compétences.

 

  1. Train de vie de la région (en euros par habitant)

Le train de vie de la région est désormais mesuré par les dépenses de personnel rapportées aux dépenses de fonctionnement. Jadis, on avait pour usage de calculer le ratio transferts versés/dépenses réelles de fonctionnement. La nomenclature des comptes administratifs a évolué sur ce point.

Par ailleurs, pour tenir compte du nouveau découpage en 13 régions, nous avons tenté de simuler ce que pourrait être le classement des grandes régions avant les régionales de 2015. Nous avons enfin rétro-simulé ce qu’aurait pu être un tel classement en 2009 et en 2003.

Nous avons enfin cherché à établir les caractéristiques d’un lien supposé positif entre performance de l’économie réelle, à travers le taux de chômage régional, et la performance des finances régionales.

On considérera que plus ce ratio par tête est faible et plus la région est mieux classée par rapport aux autres.

Hypothèse : un poids trop important de la masse salariale risque d’entraîner à terme un rendement décroissant de la dépense publique locale.

Remarque : Reste aux régions à régler, dans un contexte de baisse des dotations, le conflit entre gestion des dépenses dues aux nouvelles compétences transférées et nécessité d’une dépense publique locale soucieuse de ne pas alourdir la pression fiscale.

 

  1. L’effort d’investissement (en euros par habitant)

Il s’agit de la somme des subventions versées et de l’équipement brut. Plus ce ratio par tête est élevé et plus la région sera mieux classée par rapport aux autres. La politique idéale consiste à combiner en principe investissement par tête élevé et faible train de vie de la région. Ceci n’est possible que si la vigueur de l’économie permet une dynamique favorable en matière d’accroissement de la matière imposable.

2 - Qualité de gestion des finances publiques : une simulation du ranking des grandes régions (1987-2014)

 

Remarque : tous les commentaires qui suivent sont à apprécier en termes relatifs ; i.e chaque région  par rapport aux autres régions du classement.

 

  1. Les champions de la gestion équilibrée

A l’aune de nos critères (tableau 1), les trois premiers du classement des « meilleurs » gestionnaires dans une optique « nouvelles régions » sont : Pays de la Loire, Midi-Pyénées-Languedoc-Roussillon (MP-LR) et la Bretagne.

 

Pays de la Loire

En supposant que les grandes régions eussent existé depuis 1987, on observe que Pays de La Loire aurait obtenu la première place dès 1997 pour ne plus la lâcher ensuite, sauf en 2003 (seconde place)

Par rapport aux autres régions, cette « pole position » est avant tout due à une pression fiscale par tête et à un train de vie faibles, conjugués à un effort d’investissement conséquent (tableaux 3 à 7). En revanche la région Pays de la Loire est moins performante dans la vitesse de remboursement de la dette et l’effort de décentralisation. Le choix semble être plutôt celui de la politique publique à court-moyen terme au profit des générations d’aujourd’hui.

 

Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon (MP-LR)

La région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon (MP-LR) n’occupe le haut du tableau que depuis 2009. Si les « grandes régions » avaient existé auparavant, cette région aurait occupé le rang 7 en 1991 puis les rangs 11 et 10 de 1997 à 2003.

En prenant pour point de repère initial le ranking par anciennes régions (tableau 2), si l’on était passé au format « nouvelles régions » avant 2015, la performance de MP-LR aurait été lourdement handicapée par Languedoc Roussillon qui a occupé le fond du classement de 1987 à 2003. Mais en 2009, Languedoc-Roussillon se hisse à la 4ème place des anciennes régions tandis que Midi Pyrénées occupe la 5ème place.

MP-LR conjugue faible pression fiscale par tête, vitesse de remboursement honorable et effort d’investissement élevé. En revanche, la région reste assez dépensière en fonctionnement et peu zélée dépenses de décentralisation.

 

Bretagne

Lorsqu’on passe au regroupement par « nouvelles régions » la Bretagne n’est jamais descendue au dessous de la 5ème place (en 2009). Elle est plutôt une habituée des rangs 2 et 3. Cette performance assez constante est due à une faible pression fiscale, à une meilleure capacité de remboursement et à un meilleur effort d’investissement. La région est cependant « mauvais élève » côté dépenses de décentralisation et train de vie de la région. Sur ce dernier point, le faible endettement et la faible pression fiscale permettent sans doute de relâcher la contrainte budgétaire à court-moyen terme.

 

  1. Les  « mauvais » élèves

Selon un critère « nouvelles régions » les plus mauvais élèves du classement sont Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) (12ème), IDF (11ème), Nord-Picardie (10ème) et Bourgogne-Franche comté.

 

PACA

Dans cette optique, la simulation montre que PACA n’aurait pas dépassé la 11ème place depuis 1987. Les performances sont faibles en termes de fiscalité par tête, de remboursement de la dette, d’effort de décentralisation et d’effort d’investissement. Seul point positif, une relative maîtrise des dépenses de fonctionnement (4ème dans cette rubrique).

 

Nord-Picardie

Nord-Picardie aurait toujours oscillé entre la 10ème et la 12ème place, avec toutefois une exceptionnelle 6ème place en 2009. La pression fiscale, le désendettement et les dépenses de fonctionnement constituent de lourds handicaps. L’effort de décentralisation place la région en 7ème position dans ce registre, grâce à l’élément « Picardie ». On note par ailleurs une honnête troisième place dans la rubrique effort d’investissement (toujours grâce à la Picardie). A priori, d’un strict point de vue gestion des finances publiques, le nouveau regroupement régional dessert la Picardie tout en ne profitant pas à Nord Pas de Calais.

 

Bourgogne-Franche Comté

Si les « grandes régions » avaient existé dans le passé, la région Bourgogne-Franche Comté aurait oscillé entre la 8ème et la 9ème place depuis 1987, exception faite d’une percée singulière à la 3ème place en 2009. Mais en 2014 la région aurait retrouvé sa trajectoire habituelle. Cette région affiche une performance très moyenne côté fiscalité, train de vie et effort d’investissement. La situation est meilleure côté désendettement et effort de décentralisation. Par ailleurs, au sein du nouvel ensemble, Franche-Comté et Bourgogne semblent se « nuire » mutuellement. D’aucun parleraient d’effets de débordement négatifs réciproques. La Franche-Comté « plombe » la Bourgogne en matière train de vie, d’effort d’investissement et de décentralisation tandis que la Bourgogne pénalise la Franche-Comté à cause de la pression fiscale et d’une médiocre vitesse de remboursement de la dette.

 

Ile de France

Enfin, dans une optique « nouvelles régions » l’Ile de France constitue un cas particulier. Si le nouveau découpage avait prévalu jusqu’à aujourd’hui, l’Ile de France serait passée de la 1ère place en 1987 à la 12ème place en 2014, moyennant un rythme de dégradation exponentiel, surtout à partir de 2003. Ile de France est en effet 12éme pour l’effort de décentralisation, 10ème pour la vitesse de remboursement de la dette, 8ème pour la pression fiscale et 7ème pour l’effort d’investissement. En revanche elle est 1ère pour le train  de vie de la région, ce qui lui évite un rang encore plus dégradé.

 

  1. Changements de trajectoire et amélioration de la situation

 

Normandie

En rétro-simulant le ranking dans l’optique « nouvelles régions » depuis 1987, on constate que certaines régions ont redressé leur situation. La « grande » Normandie aurait ainsi vu sa situation se dégrader en 2003 à la hauteur de la 8ème place après avoir maintenu le rang  4 ou 5 depuis 1987. Or dès 2009, celle-ci aurait à nouveau maintenu sa 4ème place. Les deux régions regroupées ne semblent pas se nuire mutuellement. A noter toutefois l’écart de train de vie très important entre la Haute-Normandie, plus dépensière, et la Basse-Normandie. Enfin, on notera que les deux entités ne sont pas des championnes en matière de modération fiscale.

 

Rhône-Alpes-Auvergne

Selon nos hypothèses, après un parcours en dent de scie, la région Rhône-Alpes-Auvergne aurait retrouvé une 5ième place sévèrement perdue en 2009 (rang 11). L’entité Rhône-Alpes tire l’attelage côté fiscalité, modération des dépenses de fonctionnement. L’Auvergne est plus performante côté remboursement de la dette, effort de décentralisation et effort d’investissement. En un mot, deux cultures financières qu’il va falloir concilier au sein du nouvel édifice.

 

Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine (ACAL)

Le nouveau bloc Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine (ACAL) serait passé de la 9ième à la 6ième place après une trajectoire chaotique (3ème en 1987 et 10ème en 1997).

Cet ensemble est loin d’être homogène. En effet, hormis la vitesse de remboursement de la dette et l’effort d’investissement, la Lorraine constitue un lourd handicap pour la Champagne et encore plus pour l’Alsace. En effet, dans une optique « anciennes régions » l’Alsace occupe le rang 9 du classement, la champagne le rang 10 (rang 8 en 2009) tandis que la Lorraine occupe le rang 20 depuis 2009.

 

Aquitaine-Limousin-Poitou-Charente (ALPC)

L’ensemble Aquitaine-Limousin-Poitou-Charente (ALPC) serait passé du rang 8 au rang 6 dans une optique « grandes régions », après, là encore, une trajectoire passée chaotique. A noter qu’avec le nouveau découpage, l’Aquitaine occuperait le rang 3, le Limousin le rang 14 et le Poitou le rang 19, alors qu’il occupait les rangs 2 et 4 en 1997 et 2003.

Quelques observations en complément: le Poitou constitue un handicap pour l’Aquitaine et le Limousin en matière d’effort de décentralisation, de train de vie et d’effort d’investissement. Le Limousin handicape l’Aquitaine et le Poitou côté remboursement de la dette. Enfin, le limousin handicape le Poitou et l’Aquitaine s’agissant de la pression fiscale.

Cependant, l’édifice « à trois » progresse globalement par rapport à 2009, surtout grâce à l’effort de décentralisation, tout en maintenant les positions acquises sur la pression fiscale, le remboursement de la dette et l’effort d’investissement, grâce à l’Aquitaine et dans une moindre mesure au Limousin. En revanche, le train de vie de Poitou Charente empêche pour l’heure ALPC d’atteindre un meilleur rang.

 

  1. Changements de trajectoire et dégradation de la situation

 

Bourgogne-Franche Comté (BFC)

Si les grandes régions avaient préexisté,  Bourgogne-Franche Comté (BFC) aurait pu voir sa situation se dégrader depuis 2009 en perdant 6 places du rang 3 rang 9. Mais à y regarder de plus près, notre simulation montre que BFC aurait occupé le rang 9 ou 8 de 1987 à 2003.

La région BFC affiche une performance très moyenne côté fiscalité, train de vie et effort d’investissement. Elle s’en tire mieux pour la rapidité de désendettement et l’effort de décentralisation. Mais ici encore, les régions Bourgogne et Franche-Comté se neutralisent. La Bourgogne fait mieux que la Franche-Comté pour l’effort de décentralisation et d’investissement puis le train de vie. La Franche-Comté se révèle plus efficace pour la rapidité de remboursement de la dette et la fiscalité par tête. Ici encore, nul ne sait si l’amalgame prendra réellement.

 

Lien entre performance financière et performance économique réelle des régions mesurée par le taux de chômage

 

 

Ranking du taux de chômage : anciennes et nouvelles régions (simulation)

 

Ranking par catégorie de ratio financier

Popularité, ralliement au drapeau et asymétrie du blâme

Le 13 novembre va-t-il changer la donne des régionales ?

 

Véronique Jérôme

Bruno Jérôme

 

25 novembre 2015

 

A la veille des attentats du 13 novembre, la gauche pouvait s’attendre à un vote sanction de la part des français, certes atténué par le mode de scrutin et le redécoupage des régions. Elle sauvait ainsi au moins quatre régions. De son côté, sans réaliser de vague bleue pour autant, la droite avait quelques chances de remporter entre 5 et 7 régions. Enfin, le Front national avait l’opportunité de conquérir Nord-Picardie voire Provence-Alpes-Côte d’Azur… à condition de se trouver en triangulaire au second tour.

Mais voilà, de nouveaux paramètres tels que, le rôle de chef de guerre endossé par François Hollande, son omniprésence politique et médiatique, tant sur le théâtre intérieur qu’extérieur, l’application de mesures de sécurité prônées par la droite, l’appel à l’Union nationale, tout ceci dans un contexte où les français restent assommés par les évènements récents, devraient a priori rebattre les cartes. Dans l’affirmative, de quelle manière ? Et si tel n’était pas le cas, que peut-on attendre du comportement des électeurs dans « l’après 13 novembre » ?

 

Le rassemblement derrière le drapeau ou l’effet « rally around the flag »

 

Les récents attentats pourraient nourrir le phénomène de rassemblement derrière le drapeau, concept développée par le politologue américain John Muller au début des années 70.. En cas de crise majeure portant sur la sécurité intérieure et/ou extérieure, les citoyens ont tendance à soutenir leur Président, quelle que soit leur obédience politique. On se souvient du bond de popularité spectaculaire enregistré par Margaret Thatcher lors de la guerre des Malouines, par François Mitterrand lors de la première guerre du Golfe ou par G.W. Bush après le 11 septembre. L’effet « Rally around the flag » peut aussi s’appliquer à une conjoncture post-attentats, et ce phénomène n’est pas nouveau en politique française.

En prenant pour références les données Ifop, on observe que les gains en popularité post-attentats sont plus la règle que l’exception (graphiques 1 et 2). A la suite des 9 attentats[1] que Valéry Giscard d’Estaing a vécus, il n’a subi que trois baisses de popularité. François Mitterrand a du subir 14 attentats[2] lors de son premier septennat et une seule baisse de popularité. Jacques Chirac a connu des fortunes diverses lors de son premier quinquennat.  Sur 6 attentats (ou vagues d’attentats) sa popularité n’a bondi que 3 fois notamment en cohabitation[3].  Depuis son accession au pouvoir, François Hollande a vu sa popularité s’élever après chacun des 3 attentats (ou vagues) qu’il dû gérer, dont le dernier reste le plus meurtrier depuis la seconde guerre mondiale[4] [5].

A ce titre, François Hollande a bénéficié du bond de popularité le plus spectaculaire avec + 12 points après les attentats de Charlie. Avant lui, Jacques Chirac avait progressé de 9 points après le meurtre du préfet Erignac en février 1998. Enfin tout récemment, le Président sortant a vu sa popularité croître de 7 points.

 

Dès lors, à l’approche des régionales des 6 et 13 mars, le rebond de popularité du chef de l’Etat pourrait favoriser la gauche qui, dès lors, n’aurait plus qu’à capitaliser tout en adoptant le catenaccio, pour reprendre une métaphore footballistique. A droite, on aurait tout à craindre, tant celle-ci est idéologiquement phagocytée par le Président et tant elle est coincée entre le respect de l’union nationale et la fuite des voix vers le FN qui  joue sur le registre « on vous l’avait bien dit ». Mais finalement, une popularité intégrant l’effet « rally around the flag » peut-elle se traduire systématiquement en gains électoraux ?

L’asymétrie du blâme ou « grievance asymetry » contre le « rally around the flag »

 

Les économistes des choix publics désignent par asymétrie du blâme le fait que les électeurs « récompensent » peu les bons résultats alors qu’ils « punissent » avec une forte intensité les mauvais résultats des gouvernants. Ce raisonnement vaut pour la gestion de l’économie comme pour la gestion de la politique intérieure et/ou extérieure. Par conséquent, la bonne gestion des attentats ou la position de chef de guerre peuvent être récompensées en termes de crédibilité à travers la popularité, mais en même temps, les électeurs peuvent considérer qu’il s’agit d’un exercice « normal » de la fonction présidentielle sous la Vème République. Ainsi, une mauvaise gestion de la sécurité peut être coûteuse électoralement alors qu’une bonne gestion ne rapportera que des gains marginaux voire nuls. Par exemple, Nicolas Sarkozy n’a pas tiré de gains électoraux de sa gestion des crises économiques de 2008 et 2010, ni de la crise géorgienne et ni de la neutralisation de M. Merah. A l’étranger, Georges Bush père n’a pas tiré avantage de sa victoire dans le Golfe lors de l’invasion du Koweit par l’Irak. Les Républicains et John McCain n’ont pas d’avantage profité de la popularité de G.W Bush et de la réplique américaine en Afghanistan après les attentats du 11 septembre.

Enfin, il est difficile d’envisager des gains électoraux significatifs lorsque le bilan d’un attentat est démesuré comme ce fut le cas à Paris. Tout au plus peut-on attendre un jeu à somme nulle entre majorité et opposition de droite classique. En revanche le grand gagnant risque d’être le FN.

Au-delà de ces considérations, peut-on intégralement transformer un gain de popularité dû au « tous derrière le chef » en pourcentage de voix ?

 

La popularité n’est qu’un élément de l’explication du vote

 

On imagine souvent que la hausse de la popularité d’un Président va se répercuter intégralement dans les votes. Or, si le lien est avéré plusieurs facteurs viennent en limiter l’impact.

Tout d’abord, le niveau de popularité atteint par l’exécutif est une donnée importante en elle-même. D’après nos travaux sur le cas français[6], nous savons qu’un niveau de popularité de 50% rapporte une prime de 3 à 5 points en termes suffrages exprimés (toutes choses étant égales par ailleurs).

Par conséquent, passer de 20 à 27% de satisfaits (Ifop JDD) comme c’est le cas pour François Hollande, revient à faire passer la prime électorale moyenne[7] de  1,5 point à 2 points en voix.

Enfin, par comparaison avec ces prédécesseurs, Nicolas Sarkozy était à 37% de satisfaits en 2010, Jacques Chirac à 50% en 2004, Lionel Jospin (Premier Ministre) à 51% en 1998, et François Mitterrand à 22% en 1992. Lionel Jospin excepté, tous les sortants ont essuyé une lourde défaite, y compris Jacques Chirac, qui pourtant jouissait d’un bon  socle de crédibilité.

Ensuite, les travaux empiriques menés sur les « fonctions de popularité » montrent que cette dernière est composée de trois éléments, soit l’économie à court terme (à travers le chômage par exemple), la politique intérieure (dont la sécurité) et les affaires internationales. L’économie pèse entre 50% et 75% de l’indice de popularité selon le poids relatif des autres facteurs dont la politique étrangère et la sécurité comme c’est le cas aujourd’hui. L’économie à court terme conserve donc un poids déterminant dans l’évaluation de la popularité de l’exécutif.

Enfin, les modèles politico-économiques électoraux ont montré que le vote en France reposait sur quatre éléments principaux dont la popularité:

  • Le vote aux élections passées
  • La variation du taux de chômage sur 1 an
  • Le niveau de popularité
  • L’implantation territoriale des partis.

 

 

 

Et si les attentats ne changeaient (presque) rien pour les régionales des 6 et 13 décembre 2015?

 

Ainsi, la popularité n’est qu’un des facteurs explicatifs du vote en France. De surcroit, celle-ci, nous l’avons vu, intègre déjà le poids prépondérant les mouvements de l’économie à court terme. Par conséquent, une fois de plus, le jugement des électeurs sur la situation et le bilan économique des sortants au niveau national sera prépondérant lors des régionales des 6 et 13 mars 2015.

Au mieux, les attentats et leur gestion par le gouvernement permettront-ils au PS de limiter les pertes. Au pire pour la gauche, une fois l’émotion retombée, risque-t-on de voir monter un vote sécuritaire très favorable au bloc de droite lato sensu et tout particulièrement au FN là où il s’est implanté solidement (PACA et NPDC-Picardie) mais aussi dans ses terres de mission (pour reprendre une expression de Pascal Perrineau). Dès lors des surprises sont possibles, par exemple en Aquitaine (Alain Rousset serait menacé) ou en Alsace (match très serré entre droite et FN).

Du même coup, notre prévision politico-économique (bientôt en ligne) reste valide, même si, réalisée 1 mois avant le 13 novembre, elle sous-pondère certainement le FN en PACA et NPDC-Picardie.

Au final, en l’absence de retrait de la liste LR-Centre ou PS arrivée 3ème, la droite pourrait emporter jusqu’à 8 régions (dont une incertitude sur PACA), le PS jusqu’à 4 régions (dont une incertitude sur l’Aquitaine), et le Front National jusqu’à 2 régions (avec un gain supplémentaire possible en Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne).

 

1 76 victimes dont 12 tués

2 384 victimes dont 35 tués

3 A noter que Jacques Chirac a subi 7 attentats (ou vagues d’attentats) en tant que Premier ministre de François Mitterrand au cours desquelles il y a eu 165 victimes dont 15 tués.

4 Soit 482 victimes dont 130 tués.

5 Depuis le début le début du mandat de François Hollande on compte 524 victimes d’attentats dont 149 tués.

6 Analyse Economique des Elections, Economica.

7 Soit 4 points

Pourquoi les régionales sont-elles un scrutin local « nationalisé »

 

Véronique Jérôme

Bruno Jérôme

 

9 novembre 2015

 

 

 

Quand on évoque l’histoire des élections régionales, force est de constater que jamais une majorité au pouvoir n’est véritablement parvenue à les remporter depuis le premier scrutin de 1986 où les régionales étaient couplées aux législatives. Tout au plus, la gauche de Lionel Jospin a-t-elle été en mesure de limiter les pertes en 1998 en gagnant dans 8 régions dont l’Ile de France et PACA.

 

  1. Quelle est la « vraie » nature des régionales en France ?

Elections barométriques à portée nationale

 

On peut les qualifier d’élections barométriques au sens où elles s’inscrivent dans « la logique des élections intermédiaires » (Parodi, 1983). C’est ainsi l’occasion pour l’opposition et le gouvernement de mesurer leurs audiences respectives entre deux échéances nationales. Mais peut-on aller plus loin et considérer que les régionales sont un bon prédicteur de la présidentielle ou des législatives (quand elles se déroulaient avant la présidentielle comme ce fut le cas jusqu’en 2002) ?

Si les régionales de 1992 ont incontestablement annoncé la déroute des socialistes aux législatives de 1993, celles de 1998, ont en partie constitué des élections de « confirmation » après la victoire de la gauche plurielle de Lionel Jospin aux législatives de 1997.

 En revanche, les régionales de 2004 et 2010 organisées en milieu de mandat présidentiel furent instrumentalisées au service d’un vote protestataire marqué, la droite ne sauvant que l’Alsace (et la Corse en 2004). Si ce résultat ne fut pas confirmé dans la présidentielle de 2007 gagnée par la droite en revanche, il l’a peut-être été en 2012. C’est en tout cas la thèse de certains observateurs. Quoi qu’il en soit, jusqu’à présent, les régionales de mi-mandat ont plutôt constitué des élections « défouloir » sans conséquences directes et immédiates pour le pouvoir en place. Les élections de 2015 s’annoncent précisément de cette veine.

 

Elections locales « nationalisées »

 

Les élections régionales sont ensuite des élections locales « nationalisées » (Jérôme et Jérôme-Speziari). En effet, plusieurs facteurs font de ces élections un scrutin local largement « impur » :

  • Les élections régionales ont leu le même jour dans toutes les régions, ce qui contribue à la nationalisation du scrutin,
  • Le poids des appareils nationaux est prépondérant dans les investitures régionales,
  • Jusqu’à présent, la notoriété des présidents de conseils régionaux était bien moindre que celles de Maires voire même des Présidents de conseils départementaux,
  • La complexité du « mille-feuille » territorial et l’empilement des fiscalités contribuent à brouiller l’information des agents quant aux compétences des régions par rapport à celles de départements ou de l’intercommunalité par exemple,
  • Le budget cumulé des régions ne représente que 1,3% du PIB aujourd’hui, ce qui fait toujours de cette unité territoriale un « nain »  économique. Ceci fait douter de la réalité  d’un vote économique purement régional de la part des agents-électeurs.

 

Il apparaît ainsi difficile d’imaginer que les électeurs voteraient sur des critères essentiellement locaux lors des régionales. Lors des sondages pré-électoraux l’approbation/désapprobation ou le soutien/rejet que les électeurs disent envisager ne peut donc pas concerner un exécutif régional aux contours si flou. Il semble plus réaliste de considérer qu’ils répondent souvent à une question qui serait plutôt « jugez-vous la politique du gouvernement efficace notamment en matière de lutte contre le chômage ? ». Les sondages sortis des urnes montrent d’ailleurs souvent que le vote « sanction » sur des critères nationaux a été plus intense que prévu.

 

  1. Caractéristiques du scrutin régional et nouveautés pour 2015

En 1986, 1992 et 1998 le scrutin régional se déroulait à la représentation proportionnelle à un tour sur la base de circonscriptions départementales. A la suite des péripéties ayant conduit à l’élection de cinq présidents de droite (Bourgogne, Picardie, Rhône-Alpes, Languedoc-Roussillon et Centre) avec le soutien du Front National en 1998, le mode de scrutin est réformé en 1999 sous le gouvernement Jospin qui instaure une élection à deux tours avec prime majoritaire de 25% pour la coalition arrivée en tête à l’issue des deux tours. En 2003, le gouvernement Raffarin conserve les deux tours et la prime majoritaire mais fixe le taux de présence au second tour à 10% des suffrages exprimés. Le scrutin étant organisé sur la base de sections départementales.

Les élections de 2015, se dérouleront selon la précédente règle électorale, mais sous un nouveau découpage territorial de 13 régions métropolitaines contre 22 auparavant.

 

  1. Les rapports de force électoraux avant le scrutin de décembre 2015

Parti de 45,3% des suffrages en 1986 le bloc de gauche lato sensu a progressé régulièrement jusqu’à atteindre 53,7% des suffrages au premier tour de 2010.

Parallèlement, parti de 44,7% des voix en 1986, le bloc de droite parlementaire (+ centres et divers droite) décline sur la même période pour atteindre 32,7% des voix au premier tour en 2010. Ce déclin s’opère principalement au profit du Front National (+ extrême droite) qui obtient 9,6% des voix en 1986 puis 16,1 % des voix en 2004 mais décline à 12,3% des suffrages exprimés au premier tour de 2010.

En 1986 et 1992, la gauche ne conserve que le Limousin et le Nord (sous présidence écologiste en 1992). En 1998, elle entame sa reconquête avec 8 régions puis l’emporte largement en 2004 et 2010 en administrant 20 puis 21 régions.

De son côté, grâce à sa poussée électorale de 1998 (15% des voix) le FN n’a pu exercer son influence, ou selon, « son pouvoir de nuisance » qu’au travers de la désignation des exécutifs régionaux. Mais lors des régionales de 2004, le nouveau mode scrutin lui permet de se maintenir au second tour en triangulaire dans 17 régions sur 22, entrainant dans la défaite de nombreux sortants de droite alors même que la gauche ne bénéficiait de la majorité absolue que dans 11 régions sur 22. En 2010, bien qu’affaibli, le FN parvient à se maintenir dans 12 régions. Le raz de marée de la gauche est certes irrémédiable, mais le FN empêche toutefois la droite de « sauver les meubles » en Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Picardie et Provence Alpes Côte d’Azur.

Pour compléter :

 

Jérôme-Speziari V. et Jérôme B. [2010], « La gauche profitera d’un vote sanction », L’Expansion, Février, p.48-49.

 

Jérôme Bruno et Véronique Jérôme-Speziari [2005], “2004 French Regional Elections: The politico-economic factors of a nationalized local ballot”, French politics, 3, p. 142-163, Palgrave.

 

Jérôme Bruno et Véronique Jérôme-Speziari [2003], « Avis de tempête sur les régionales.»,L’Expansion n°674 , avril 2003 : 136-137.

 

Jérôme Bruno et Véronique Jérôme-Speziari [2003], « A Le Pen Vote Function for the 2002 Presidential election: a way to reduce uncertainty », French Politics, Palgrave, 1, 247-251.

 

Jérôme Bruno et Véronique Jérôme-Speziari [2000], « The 1998 french regional elections : why so much instability ? », Electoral Studies, Elsevier, N-H, volume 19, n°2/3, June/September, 219-236.

Régionales 2015 : quelques éléments de contexte avant le scrutin des 6 et 13 décembre

 

Véronique Jérôme

Bruno Jérôme

 

9 novembre 2015