Les modèles politico-économiques
L’analyse des choix électoraux envisagée sous l’angle de l’analyse économique trouve son inspiration chez Hotelling (1929), ainsi que chez
Downs, Riker, Buchanan et Tullock, sans oublier les apports de Arrow, Black, ou encore Olson.
L’analyse politico-économique cherche à élargir la vision traditionnelle de l’Etat en « endogenéisant »
son comportement. La démarche reste conforme à l’analyse économique, l’Etat étant un décideur parmi d’autres, qui souhaite maximiser sa fonction objectif sous contrainte du jeu des acteurs
économiques, sociaux et politiques. La prise en compte de l’hypothèse de maximisation des chances de réélection bouleverse considérablement la représentation traditionnelle de la politique
économique. Dans le prolongement, les agents économiques ont un rôle beaucoup plus actif, voire plus réactif, au sens où ils peuvent, par le vote, se prononcer sur le bilan ou les programmes des
gouvernants.
Au sein d’une typologie simplifiée, on peut regrouper les modèles « politico-économiques » en quatre
catégories :
- le cycle économique électoral de Nordhaus (1975, 1989), et Alesina (depuis la fin des années 80),
- le cycle partisan de Hibbs (1977) puis Alesina (1987) qui ajoutera des partis politiques aux comportements
stratégiques
- le modèle d’évaluation-réaction de la politique économique de l’école de Zürich reposant sur les fonctions de
popularité [Frey (1978) et la synthèse de Lafay, Pommerehne, Schneider (1981)], puis Jacques Lecaillon (1981, 1983) dans le cas français.
- les fonctions de vote de Kramer (1971), Lewis-Beck (1982) puis Chappell et Keech (1985) avec l’introduction des
anticipations rationnelles. Dans le cas français on doit les premiers travaux aux économistes à Jean-Jacques Rosa (1976), et Jean-Dominique Lafay (1977, 1981), sur données
agrégées. En ce qui concerne l’intégration des facteurs liés à la disparité des territoires les premiers modèles remontent à Jean-Dominique Lafay, Bruno Jérôme et Michael Lewis-Beck (1993), Bruno
Jérôme, Véronique Jérôme-Speziari et Michael-Lewis-Beck (1999, 2003) et plus récemment Bruno Jérôme et Véronique Jérôme-Speziari (2003, 2004, 2010).
Les différentes analyses se rejoignent sur la nécessité de prendre en compte les variables et les comportements
purement politiques dans le jeu de la politique économique. En revanche, ils s’opposent parfois sur la perception de l’horizon temporel des électeurs, sur leur degré de rationalité, sur la qualité de
l’information, sur la nature de leurs anticipations, sur leur plus ou moins grande sensibilité aux variations des variables instrument ou objectif, mais aussi sur l’attitude egotropique ou
sociotropique des agents économiques-électeurs. Côté gouvernement, les différentes analyses s’affrontent sur le degré de manipulation des instruments et objectifs de la politique économique et en
définitive sur le degré de manipulation des électeurs.
Nos travaux s’inscrivent dans un programme de recherche dont l’objet est d’analyser puis de prévoir de manière fiable
et suffisamment à l’avance les résultats des échéances électorales.
Ils développent les deux dernières familles en s’attachant principalement à la partie évaluation de l’action
gouvernementale. Le vote est expliqué par des variables économiques et politiques puis, partant des coefficients estimés du modèle une prévision de l’élection à venir est
réalisée.
Les fonctions de vote possèdent de véritables qualités opératoires pour l’économie; la démarche offre de surcroît
l’avantage d’une certaine robustesse des diagnostics, d’une grande précocité et d’une bonne fiabilité des prévisions. Ces propriétés constituent de véritables atouts par rapport aux méthodes
“concurrentes”.
L’ensemble de nos travaux révèle une certaine unité autour de deux mots clés : diagnostic et pronostic à
l’approche d’une élection, ainsi qu’une volonté d’investir des champs inexplorés en faisant le plus souvent un usage inédit de données désagrégées.