Election législative anticipée grecque de 2015 :
l’irrésistible ascension de SYRIZA. Et après ?
Le dimanche 25 janvier
Véronique Jérôme-Speziari
Bruno Jérôme
Contexte politique et économique
La plupart des sondages effectués dans la perspective des législatives grecques anticipées indiquent que la coalition des gauches radicales (SYRIZA) d’Alexis Tsipras devrait l’emporter ce dimanche 25 janvier en devançant nettement la Nouvelle Démocratie (ND) du premier ministre sortant Antonis Samaras.
La moyenne des 25 derniers sondages (calcul d’après les données du site okeanews.fr) est de 32% pour SYRIZA et de 27,6% pour la Nouvelle Démocratie (graphique 2). A titre de comparaison le modèle de prévision « Partisan Dynamics in UE » d’ElectionScope donnait 28,35% à ND en cas de dissolution.
En ce qui concerne les autres formations politiques (voir graphique 2), les sondages accordent en moyenne 6% à Aube dorée (extrême droite), au PASOK (socio démocrates), au parti communiste « historique » (KKE) et à La Rivière (libéraux de gauche). Suivraient en moyenne, ANEL (droite populiste, scission de ND) avec 3%, le mouvement des socialistes démocrates avec 2% et DIMAR (centre gauche) avec 1,5% des voix.
En procédant par regroupement des familles politiques (graphique 1), la gauche de la gauche (SYRIZA + KKE) pourrait atteindre le score historique de 38% des voix.
Comment expliquer la mécanique électorale de ce bouleversement de l’échiquier politique grec ?
Jusqu’aux élections de 2006, le PASOK (parti social démocrate) et la Nouvelle Démocratie alternaient au pouvoir dans le cadre d’un face à face quasi permanent. Derrière eux, seul le parti communiste « historique » (KKE) captait une partie significative de l’électorat autour de 10% des voix.
Lors des élections de 2007, alors que le PASOK maintient ses positions, la droite conservatrice et libérale s’érode sous l’impulsion du décollage d’Aube dorée. En 2009, la tendance précédente s’accentue, le PASOK et Aube dorée grignotant de leur côté une partie de l’électorat du KKE. La droite classique, balayée par la crise des subprimes et concurrencée par ANEL (dissidents populistes de ND), est tombée de près de 46% des voix en 2004 à 33% en 2009. Le PASOK, alors dominant se voit confier la barre pour gérer les effets collatéraux de la crise financière de 2007-2008 qui touche la Grèce de plein fouet (graphiques 3, 4 et 5).
Mais à peine arrivée au pouvoir, la gauche sociale démocrate et son Premier ministre Georgious Papandreou sont pris dans la crise grecque de l’endettement. Ce dernier abandonne le pouvoir le 11 novembre 2011 au profit des techniciens Loukas Papadimos puis Panagiotis Pikrammenos jusqu’en juin 2012 qui doivent gérer une Grèce placée sous la tutelle de la Troïka UE-BCE-FMI.
En 2012, la refonte du système politique grec, rongé par l’austérité, l’absence de résultats rapides en matière de finances publiques (graphique 5) maintenue par l’inertie d’une société de réseaux qui privilégie l’économie informelle, est en route. Aux secondes législatives anticipées de juin 2012, le Pasok s’écroule (12.3%) au profit du cartel de la gauche radicale SYRIZA (26,9%), ND maintient ses positions avec 29,7% des voix. Aube dorée obtient 6,9% des voix et les populistes dissidents de ND (ANEL) 7,5% des voix. Le cumul extrême droite + populiste est ainsi de près de 15% des voix.
Le point à 19h45
Compte tenu de l’état des rapports de force, la question est avant tout de savoir si SYRIZA va bénéficier d’une majorité absolue à la Vouli. Il faudrait pour cela que SYRIZA obtienne au moins 36% des voix avec six points d’avance sur ND. Les premiers sondages sortis des semblent indiquer une majorité absolue pour SYRIZA.
Une victoire de SYRIZA et après ?
Une victoire de Syriza peut-elle avoir des conséquences sur la façon dont les pays de la zone euro ou de l’union européenne envisagent leurs décisions de politique économique ? En réalité ce n’est qu’une partie du problème qui ne concerne que l’aspect budgétaire des politiques car pour la partie monétaire l’harmonisation est de rigueur dans la zone euro et la BCE vient tout juste (le 22 janvier) d’annoncer ses dernières mesures – pour ne pas dire ses dernières cartouches- .
Mais pour être influente il faudra que la victoire soit large. Si le parti est majoritaire l’horizon sera dégagé, s’il doit envisager de gouverner dans le cadre d’une coalition les marges de manœuvre seront plus limitées.
Dans le scénario le plus favorable, on peut imaginer qu’Alexis Tsipras premier ministre décide de mettre en œuvre ses annonces. Mais lesquelles ? Il semble en effet avoir fait tellement de promesses à tellement de monde qu’il lui sera difficile de toutes les tenir. Pourra-t-il satisfaire tous ceux qui ont sombré dans la pauvreté comme une bonne partie des classes moyennes grecques, en leur assurant la gratuité de l’électricité et ne pas envoyer aux calendes grecques … la poursuite des politiques de rigueur. On peut certes s’attendre à un discours plus mesuré vis-à-vis des instances européennes (et d’elles seules à précisé Alexis Tsipras, qui ne « parlera pas à l’Allemagne ») ; le Grexit ou la sortie de la Grèce de l’euro n’est plus à l’ordre du jour mais la renégociation de la dette grecque reste un point qui fera débat.
« Harry Potter » (surnom dont l’a affublé Evangelos Venizelos président du Pasok) alias Alexis Tsipras pourra-t-il aller à contre courant des réformes structurelles dont toute l’Europe a besoin ? En ce sens s’il n’est pas un exemple pour l’Europe qui risque de ne pas le suivre, il pourrait toutefois être un prétexte pour la gauche de la gauche française, les Mélenchon, les communistes, les verts, les frondeurs qui n’attendent que cela pour demander au gouvernement d’appuyer sur le frein, d’oublier la rigueur et d’utiliser les « mannes » et autres opportunités que nous procurent un euro et des taux d’intérêt faibles, et un pétrole très bon marché pour faire de la redistribution.
Mais jusqu’où et surtout jusqu’à quand ? on ne maîtrise pas ces éléments favorables, c’est pourquoi il apparait risqué de les mobiliser ainsi, mieux vaudrait peut-être engranger le fruit de ces externalités positives et conserver ce que l’on gagne –ou ne dépense pas- aujourd’hui pour mieux appréhender demain, un futur encore très incertain.
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